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Le suicide ( farce triste )

Permettez-moi de me présenter : je suis Pantoufle, chien bâtard et néanmoins fidèle compagnon depuis 17 ans de Mme Adèle Mouskouri, que tout le monde appelle Nana Mouskouri. C'est au cours d'une séance de spiritisme dirigée par ma maîtresse, que j'ai eu la chance et le privilège d'entrer en communication avec l'esprit de Roland Farthes, esprit que précisément, ma maîtresse cherchait à contacter. Notre conversation fût très enrichissante. L'esprit de Roland Farthes était visiblement ivre, mais cette ivresse n'altérait pas la qualité de sa pensée, à peine celle de son élocution. Il m'a prié de m'adresser à vous en son nom, c'est donc ce que je vais faire maintenant. Je tiens toutefois à préciser qu'au cours de notre discussion, j'ai découvert des aspects de la personnalité de monsieur Farthes que j'ignorais et certains de ses propos ont provoqué chez moi une inquiétude, voire un malaise.

Moi Roland Farthes, à l'occasion de l'anniversaire de ma mort, j'ai choisi de vous entretenir d'un sujet généralement mal considéré : le suicide ( entendu comme l'acte conscient de mettre fin à sa propre vie ). Il me semble avoir une certaine légitimité pour m'exprimer sur ce sujet puisque vous n'êtes pas sans savoir que j'ai moi-même eu recours à cette méthode.
Je commencerai cette étude en évoquant les causes du suicide, puis nous jetterons un œil sur les moyens à notre disposition, pour lesquels je vais tenter de dégager les points faibles et les points forts, et je terminerai par quelques conseils pour bien réussir son suicide.


1- Les causes générales : 

- un mal de vivre profond, au minimum une petite tendance à la déprime ( se méfier des faux-gais, ceux qui cachent leur désespoir derrière une barrière de sourires et de plaisanteries )
- une maladie grave et incurable, occasionnant une douleur insurmontable : ex, un panari généralisé de l'oeil gauche ( notons que la maladie peut aussi être d'ordre psychologique : schizophrénie par exemple, « Suicide-toi, suicide-toi » ) 
- la ruine 
- le dépit amoureux 
- un échec important dans un domaine fondamental de votre vie ( récemment le médecin de Koh-lanta s'est suicidé à la suite de la mort d'un candidat )


Il est évident que bien souvent, plusieurs de ces facteurs jouent dans la décision de se suicider.
Pour ma part, si je fais un brin d'auto-analyse, je mettrai en valeur 3 éléments :

1 - Au fur et à mesure des années, j'ai commencé à éprouver un sentiment de vacuité par rapport à mes propres recherches. J'avais l'impression d'être le Géo Trouvetou de la pensée moderne, l'inventeur du pistolet à gaufres et du repasse-limaces philosophique. D'ailleurs mes collègues universitaires ne manquaient pas de me railler en m'envoyant leurs étudiants les plus tordus : un mémoire sur le trou sans fond, pas de souci, contactez Roland Farthes de ma part, une thèse sur le poc-poc ou sur le meuble en kit, aucun problème , voici le numéro de Roland Farthes.

2 - À l'époque, ma vie amoureuse n'était guère plus glorieuse. Ma rupture avec Nana Mouskoury après des années de liaison orageuse m'avait sérieusement ébranlée. Qu'elle me quitte pour Onassis, à l'époque un de mes meilleurs amis, m'avait laissé sur pantois et chancelant. J'ai pensé que ce n'était qu'une passade, qu'elle voulait me rendre jaloux, je lui ai promis d'arrêter de boire, mais rien n'y a fait. Après cela j'ai fréquenté quelques temps Pamela Soubiroux, la sœur de celle qui entendait des voix, mais impossible d'oublier Nana. J'ai replongé dans la bibine.

3 - Cerise sur le gâteau, mes derniers livres ont été des échecs commerciaux complets. Après-coup, je dirai que le farthisme demandait une remise en cause trop importante aux lecteurs qui ont préféré se jeter sur les œuvres récréatives de Sartre. Attention, j'aime beaucoup JP, on a souvent joué à la belote ensemble, mais vous avouerez que l'Etre et le Néant, ça fait un peu série B comme titre. Des bouquins comme ça, j'aurai pu en écrire des pleines brouettes : le Plein et le Vide, le Dedans et le Dehors, l'Avant et l'Après, la Vie et la Mort... 

Donc, lassé de tout, un soir de cuite, je suis passé à l'acte :


2 – Choisir sa méthode de suicide, c'est un peu comme refaire la déco de sa salle à manger : vous pouvez opter pour quelque chose de très classique ou préférer l'originalité.

Les grands classiques : 
- l'arme à feu : fusil de chasse ou autre. Inconvénient : c'est salissant, c'est bruyant. Mais c'est efficace et ça peut être intéressant pour les physiques ingrats 
- la pendaison, un grand classique, toujours de bon goût, mise en place simple, grande efficacité, impact visuel fort 
- le RER, fonctionne aussi parfaitement avec le métro ou le TGV. Une bonne méthode pour les exhibitionnistes. 
- les médicaments ( type somnifères ), avec ou sans alcool, personnellement j'inverserai plutôt la tendance en faveur de l'alcool mais bon, c'est une question de goût 
- l'overdose 
- s'ouvrir les veines

Quelques méthodes plus originales : 
- le pseudo accident de la route ( tiens, c'est marrant, j'avais complètement oublié qu'il y avait un platane à la sortie de ce virage) 
- la noyade : demande une grande motivation, surtout pour ceux qui veulent utiliser la méthode dite naturelle, c'est-à-dire, sans pierre ou parpaing 
- se jeter d'un pont, méthode qui peut-être combinée avec la précédente. A noter que si vous n'avez pas de pont sous la main, un sixième étage fera très bien l'affaire. Attention toutefois aux risques de paraplégie complète en cas de ratage, ne pas trop réduire le nombre d'étages, il vaut mieux chercher un peu plus longtemps et se réussir, plutôt que de se payer la honte en fauteuil roulant devant les copains pendant le reste de ses jours. Et puis, allez-y pour leur dire merde uniquement en clignant de la paupière. 
- le fameux seppuku, douloureux mais toujours classe 
- l'auto-asphyxie pour ceux qui ont toujours voulu se déguiser en Fantomas 
- l'électrocution, pratique pour les agents EDF ( inconvénient : l'odeur de cochon grillé qui s'incruste dans les murs !) 
- l'immolation, niveau de douleur élevé mais sur le plan esthétique, c'est une réussite. A faire en public absolument ! 
- le suicide-collectif... 
- le petit-suicide, inventé par les Nuls, comme son nom l'indique, en utilisant un petit-suisse ( méthode de suicide sans douleur, mais à faire de préférence en direct à la télé et en porte-jarretelles ). Au cours d'un séminaire sur le petit-suicide conduit il y a quelques mois, plusieurs méthodes de petit-suicide ont été proposées : je vous en livre quelques-unes : s'endormir dans son bain, s'allonger sur une piste cyclable, s'enfermer dans une pièce saturée d'huiles essentielles « synergie sommeil » ou encore sauter du haut du trottoir

Je ne m'étendrai pas sur la méthode que j'ai utilisée, l'important c'est que j'ai réussi.
Pourtant, si j'avais su que Nana essayerai de me contacter, je me serai retenu. Attention, je suis très content d'être mort, je suis au Paradis, je picole sans craindre la cirrhose, je joue aux cartes avec d'anciens nazis très raffinés, je fais des concours de pétanque avec Sartre et Bény Lévy et leur pote espagnol qui raconte toujours des blagues. La dernière que j'ai beaucoup aimée, c'est celle-là :

La cancion del pobre Pedro.

La historia que yé vais vous raconter se passe en 1936 à la veille de la guerra civil espagnol. Pedro est oune pobre paysan andalou accablé de dettes.
- La récolte est pourrie, yé souis couit ! 
- Ma femme est partie, yé suis maudit !

Cédant au désespoir le plous noir, Pedro décide oun soir d'en finir et de se pendre au chêne le plus vigoureux dou village. Il installe oune corde, glisse le tête dans le nœud et s'apprête à se jeter pour touyours dans le grand vide cosmique.

A cet instant précis, sourgissant tel un Zorro à vélo, apparaît Don Alonso, le couré dou village.

- Aye Pedro ! ( Olé ! )
- Aye Pedro ! ( Olé ! ) 
- Aye Pedro ! ( Olé ! ) ( crescendo en insistant sour le Pe de Pedro, réponse du poublic : Olé ) 
- Tou né peux pas mourir ainsi ! C'est impie ! 
- Tou né pas quitter la vie ! C'est oun péché mortel !
- Pedro, mon enfant, prends cette Bible ! Tou y trouveras l'amour et le réconfort qui manquent à ton décors. 
- Aye Pedro ! (Olé ! ) x3

Après tout se dit Pedro, yé né risque rien, yé né plous rien ! 
Lentement, il desserre la corde autour de son cou, il descend à terre, il s'approche de la Bible laissée par Don Alonso. Il l'ouvre au hasard et lit les premiers mots qui lui tombent sous les yeux :

- Repends-toi !

Et Pedro se pendit !

- Aye Pedro ! (Olé ! ) x3

C'est drôle, hein, quand on y pense ! Ouais, on se marre bien avec les potes. Mais bon, Nana c'est pas pareil, elle, elle me manque.


3 – Ce qui m'amène aux inévitables cas de ratage :

3 possibilités :

- Dis-moi hombre, elle serait pas espagnole ta copine, avec un nom pareil, Mouskouri, ça ne m'étonnerait pas ! 
- Ah non ! Elle est grecque. En vrai elle s'appelle Adèle mais tout le monde dit Nana. 
- Ah d'accord !

a – la fameuse TS (tentative de suicide ) dit aussi l'appel au secours : Jennifer m'a quitté, les huissiers débarquent demain, Marcel mon patron me harcèle, je déprime et hop, on a tous dans notre entourage des gens un peu faibles qui se jettent sur la boîte de Lexomil et la bouteille de Jack Daniel's à la moindre contrariété..

b – la maladresse ou la faute à pas-de-chance : le nœud coulant raté, le rasoir mal affûté, le connard qui se précipite pour vous arroser alors que vous avez enfin réussi à vous transformer en torche vivante. Toutes ces raisons font que vous ratez votre suicide. Or, dans le suicide l'essentiel n'est pas de participer mais de réussir.

c – On appréciera bien-sûr le potentiel comique du gars qui a la poisse, qui n'a jamais rien réussi dans sa vie et qui va jusqu'à planter son suicide. C'est hilarant bien-sûr ! Mais dans la vraie vie, personne ne veut être ce gars-là. Le paraplégique qui ne peut plus bouger que l'oeil gauche, le brûlé au 12ème degré...


4 – Alors, histoire d'éviter ces déconvenues, voici quelques conseils pour bien réussir votre suicide :

- Non, mais vraiment tou es soûr, elle serait pas espagnole ta Nana Adèle ? 
- Mais non, je te dis, elle est grecque ! Comme la feta, comme les olives !
- Ah d'accord

1 - Mettez toutes les chances de votre côté, évitez d'agir impulsivement. Il vaut mieux une bonne préparation, on dit préméditation dans le jargon. Dîtes-vous que c'est aussi à ça qu'on reconnaît les gens vraiment motivés.

2ème conseil : la lettre. A ce propos, je regrette qu'il soit si difficile de trouver un bon modèle de lettre de suicide. On trouve facilement des modèles de lettres de motivation, de bonne année, même de condoléances. Pour le suicide, rien. Et pourtant du suicide aux condoléances...

Alors, une bonne lettre de suicide, qu'est-ce que c'est ?. Dans la plupart des cas, vous l'adresserez à vos proches. Sachez que malgré tous vos efforts, un sentiment de colère ou d'incompréhension peut perdurer, les gens ayant toujours tendance à imaginer que vous ne leur dites pas tout et à continuer à chercher des explications. C'est pourquoi je vous conseille de rester suffisamment vague pour que chacun y trouve son compte, le but est avant tout, par cette attention, d'éviter l'accusation d'égoïsme qui, dans les cas de suicide, est assez fréquente. ( allez savoir pourquoi )
Pour résumer, votre lettre doit exprimer 2 choses : votre amour pour vos proches et le fait que la vie vous est devenue insupportable.

Prenons la lettre de Kurt Cobain qui me paraît assez réussie. Je ne veux pas que Frances ( sa fille ) devienne «  le rocker misérable, auto-destructeur et suicidaire que je suis aujourd'hui », « Je n'ai plus de passion, alors rappelez-vous : il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre à petit feu »
Plus loin : « Frances et Courtney, je vous adorerai toujours. JE VOUS AIME. JE VOUS AIME !!! ». Un brin d'auto-apitoiement, une explication vague, une grande déclaration d'amour et le tour est joué.

Le plus souvent, la lettre exprime l'amour du futur-suicidé pour son entourage mais la haine peut tout aussi bien faire l'objet d'une lettre.
Exemple :«  Nana, sale pute, comment tu as pu me faire ça ? », signé Roland. Certes, je ne suis pas fier de cette lettre, à l'époque j'étais jaloux et aigri. Si j'avais su qu'elle tenterait de reprendre contact avec moi par delà la mort, j'aurai agi autrement.


5 – Conclusion : le suicide, un truc de lâche ou pas ?

Personnellement, à l'époque, j'avais des convictions. Je vous aurai sans doute vanté le suicide comme l'acte fondateur de la liberté humaine, le seul véritable moyen de se libérer de l'oppression d'une vie et d'une société aliénantes. La vérité, c'est que j'étais malheureux. La seule chose qui compte aujourd'hui, c'est cette possibilité incroyable qui m'est offerte de pouvoir recréer un lien avec ma bien-aimée. Nana, si tu ...

Malheureusement, la communication avec l'esprit de Roland Farthes s'est brouillée. La liaison cosmico-spirituelle avec l'Au-delà s'est rompue, peut-être à cause d'un taux d'alcool trop important. En tous cas j'ai perdu le contact avec Roland Farthes.

C'est à ce moment que j'ai entendu la voix de Nana. Une voix blanche, triste et pourtant déterminée. Elle s'adressa à Roland avec des mots que je n'oublierai jamais :

- Onassis vient de mourir. Je voulais te dire que je n'ai jamais regretté d'être partie avec lui. Tu n'es qu'un sale con !

Elle s'effondre sur la table.

- Hé hombre, elle est peut-être pas espagnole ta copine, mé yé crois qu'elle est morte Adèle !

Philémon Bouguennec

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