1 – L'échec de
l'enseignement universitaire
C'est en 1967 que Roland
Farthes claque la porte de l'université pour aller enseigner dans la
rue.
Ecoeuré par les
pratiques de ses collègues Gilles Delusse, Jacquy Lacan et autres
rentiers de l'éducation nationale qui se soucient plus de leur image
dans Paris Match et de leur cour d'étudiants que de la chose
philosophique, R.F. dit merde à l'enseignement universitaire dans sa
célèbre lettre au ministre de l'éducation ( « Je vous dis
merde », lettre à André Malraux, ministre de l'Instruction
publique et de la Recherche, datée du 12 mai 1967, reprise dans
l'édition de la Pléiade, tome 4).
2 – Premières
tentatives de démocratisation
Revenant aux sources,
suivant un héritage antique d'un enseignement public dans la rue,
R.F. retourne à Cherbourg proposer son système public de
philosophie ouverte collective. Malheureusement le climat de la
presqu'île ne permet pas de rester à l'extérieur bien souvent.
R.F. Cherche alors un espace public pour abriter ses disciples. Il
tente dans un premier temps la bibliothèque municipale, mais il est
vite mis dehors par le personnel acariâtre qui réclame le silence
en permanence. Il tente alors la bourse du travail ( actuellement
Pôle Emploi). Accusé de parasiter l'activité du lieu, il est
encore une fois mis à la porte. Suivent alors dans tentatives dans
le hall de gare, à la criée, l'accueil du Bon marché … toutes
infructueuses.
Il propose alors ses
services à l'université du troisième âge. Et propose un atelier
philosophie. Malheureusement, la concurrence des ateliers Chiffres et
lettres et Scrabble font de l'ombre à son enseignement. C'est lors
de l'assemblée générale de mars 1968, alors qu'à l'unanimité le
bureau rejette sa demande d'achat des oeuvres complètes de Sénèque
le Jeune pour préférer investir dans une sortie en autocar au
château des Ravalets qu'il claque à nouveau la porte.
3 – Le café
philosophie
Acculé, sans solution de
repli, il conduit la troupe de ses fidèles au café en bas de chez
lui. C'est donc le 16 juin 1968 qu'a lieu le premier café-philosophie
dans la forme qui connaît encore un succès planétaire
actuellement. Il a lieu au Balto à 18h30 et réunit 7 personnes ( 2
selon la police, qui interviendra en fin de séance).( Séminaire du
Balto – juin 1968. Séance introductive autour du baby-foot, puis
interventions suivantes en terrasse.)
Encouragé par ce premier
succès, R.F. Impose alors dans la vie locale des débits de boisson
le café-philo. De nombreux cercles de discussion se créent et c'est
la mort des thés dansants, tournois de fléchettes, concerts,
parties de dominos et cartes, abandonnés au profit des discussions
philosophiques. On éteint même la télé pendant la coupe du monde
de football. ( Propos divers recueillis au « tonneau de
Bacchus » - juillet 1974 )
Le succès est éclatant.
R.F. Déduit très vite
une corrélation entre l'intensité des échanges intellectuels et la
convivialité du lieu.
Il introduit la saucisse
cocktail dès août 1968. ( Séminaire du Balto. Saison 3 – octobre
1971. Bar « le Balto », puis bar « chez Francine »
après la fermeture à 1h00 )
Puis des règles de
convivialité supplémentaires sont introduites : la tournée. Chaque
prise de parole est accompagnée d'une tournée offerte par
l'orateur.
Sont introduites ensuite
la pause cacahuète, la tournée conclusive du patron ( servie dans
des gobelets plastiques ) … autant de règles qui dynamisent les
débats. ( Séries de conférences à « la Civette » -
mai 1969, Séminaire du Balto, saison 2 - avril 1970, bar « le
Balto » )
Passons vite sur la
suite, plus connue : diffusion rapide du modèle. Fondation de la
société des « hommes et femmes de la philosophie de
comptoir », création d'une chaire de philosophie didactique
appliquée dite « philo de comptoir » au collège de
France.
Succès.
Reconnaissance.
Roland réintègre alors
l'université pour y enseigner cette nouvelle branche de la
philosophie. Les cours auront bien-sûr lieu non pas en amphi mais à
la cafét'.
4 – Améliorations
Le café-philosophie
touchait alors à son apogée et sa période la plus féconde. Et
s'il connaît encore un énorme succès, il fait actuellement face à
des problématiques contemporaines.
5 – Dérives actuelles
5.1 – Les sources
Cruel manque de sources
écrites qui condamnent à reprendre les débats au début à chaque
fois. Mais n'est-ce pas là l'essence de la philosophie que de
questionner encore et encore, comme le rappelle R.F. en introduction
aux Rencontres du « café des sports » ( puis du «
bar des amis » après changement de propriétaire ) - juin
1970.
5.2 – L'école du café
philosophie ne souffre pas d'une désaffection des disciples et des
passionnés. Ce sont par contre les lieux de débats qui se
raréfient, entraînant la mort de ces rencontres : 200 000 débits
de boisson en 1960, 30 000 actuellement ( chiffres édifiants trouvés
bien à propos dans Dimanche Ouest-France du week-end dernier, en
page société ).
Pensons à tous ces
charmants villages reculés où les vieux sont condamnés à regarder
la télé faute de lieux de rencontre.
Bibliographie et sources
« Je vous dis
merde », lettre à André Malraux, ministre de l'Instruction
publique et de la Recherche. Datée du 12 ami 1967, reprise dans
l'édition de la Pléiade ( tome 4 ).
Séminaire du Balto –
janvier 1969. Séance introductive autour du baby-foot, puis
interventions suivantes en terrasse.
Séminaire du Balto.
Saison 2 – Avril 1969. Bar « le Balto ».
Séminaire du Balto.
Saison 3 – octobre 1971. Bar « le Balto » puis bar
« chez Francine » après la fermeture.
Séries de conférences à
« la Civette » - mai 1970.
Etude croisée de Saint
Thomas d'Aquin et Thérèse de Lisieux – 12 et 19 mai 1973 au bar
« La maison du Peuple ».
Challenge philosophique
interdépartemental des lycées professionnels – café « le
Paris-Cherbourg ».
Propos divers recueillis
au « tonneau de Bacchus » - juillet 1974, pendant la
coupe du monde de football.
Séance exceptionnelle en
plein air devant l'épicerie de nuit – 15 septembre 1975. Naissance
des premiers « Fragments du discours amoureux ».
Toutes ces œuvres sont
épuisées et difficilement trouvables en bouquinerie.
Il est néanmoins
possible de les trouver en téléchargement ( Emule, Torrent, …).
M. J.R.
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