Conférence donnée le 15 mai 2010 par
monsieur F. Bouguennec, membre du club
de Rolanfarthisme de Dunkerque
Nombreux
sont les mystères qui entourent la vie tumultueuse de Roland
Farthes. Qu'en est-il de la liaison torride qu'il aurait entretenu
avec Nana Mouskoury au cours de l'été 1964 ? Ou est-ce lui, qui
comme le dit la légende, a propulsé les Jackson Five sur le devant
de la scène plutôt que Quincy Jones ?
Tout
cela reste nimbé du flou de l'incertitude.
En
revanche, s'il y a une chose dont nous sommes certains, c'est de sa
passion inconditionnelle pour le jokari.
Dès
son plus jeune âge, Roland Farthes a pris l'habitude de combler les
heures de solitude en jouant avec son jokari et il ne s'agit pas
d'une métaphore sexuelle. Je vous prie d'entendre le mot jokari au
sens le plus strict, c'est-à-dire celui d'un jeu de baballe où la
susdite baballe est attachée à un élastique qui est lui-même fixé
à un socle, généralement rempli de sable, ce qui permet au joueur
de balancer de grands coups de raquettes dans la balle sans avoir à
aller la chercher, car fixée à son élastique, la balle revient
toujours. ( sauf accident naturellement ).
Je
vous renvoie à la biographie non-autorisée de Roland Farthes dans
laquelle l'auteur dit a peu près ceci : « Dès son plus jeune
âge, Roland Farthes prit l'habitude de combler les heures de
solitude en jouant avec son jokari et il ne s'agit pas d'une
métaphore.»
Les
origines du jokari sont assez méconnues. L'hypothèse la plus
sérieuse fait remonter l'apparition de ce jeu à une époque très
ancienne, quand les hommes n'avaient pas encore inventé le mur.
Dépourvu de cette invention fort utile, ils ont du trouver une
stratégie pour pouvoir pratiquer leur sport favori, la baballe.
Roland
Farthes a eu son premier jokari pour son septième anniversaire, et
ensuite il ne s'est pas passé une journée sans qu'il y consacre au
moins une heure. Je vous incite à consulter l'ouvrage Farthes et
le sport de J.M. Setraf où l'auteur note : «Roland Farthes a
eu son premier jokari à l'âge de 7 ans et il ne s'est guère passé
une journée sans qu'il y consacre une heure ».
Pratiqué
comme une méditation, comme un exercice spirituel quotidien, au sens
où l'entendait Pierre Hadot, c'est-à-dire, une pratique spirituelle
journalière, le jokari a eu une influence fondamentale sur la pensée
et sur l'oeuvre de Roland Farthes.
En
cela, le titre de son premier ouvrage est très éclairant : Ma
pensée ne tient qu'à un fil. Paru en 1938, il s'agit d'un livre
autobiographique, qui raconte la propre histoire de Roland Farthes,
celle d'un homme dont l'esprit ne tient qu'à un fil. Difficile de ne
pas voir là une analogie subtile avec le fil du jokari.
Suivent
ensuite de nombreux articles de R.Farthes dans une revue d'actualité
: sa chronique, qui se veut le reflet des tendances actuelles de la
société s'intitule La balle au bond.
Farthes
est fasciné par la trajectoire de la balle du jokari, qui tel un
boomerang à élastique, revient presque à l'endroit d'où elle est
partie. Le mot « presque » est très important,
suivez-bien. Farthes le dit lui-même clairement dans son journal
intime : «12 février : plus
j'observe la trajectoire de la balle et plus je suis fasciné »,
« 9 décembre : décidément la trajectoire de la balle me
paraît fascinante. »
De
cette observation minutieuse naîtra le concept qui fera la gloire de
Farthes, celui de « tautologie approximative ». Alors
qu'est-ce que la tautologie approximative : c'est simple, au principe
de tautologie dont l'exemple le plus fameux est : un chat est un
chat, Farthes substitue le principe de tautologie approximative : un
chat est presque un chat.
Bien
sûr, une critique féroce ne tarda pas à se faire entendre,
reprochant à Farthes de se prendre pour ce qu'il n'était pas.
Mais
lorsqu'on l'attaquait sur cet exemple, Roland Farthes, en bon lecteur
d'Héraclite, répondait avec un brin d'humour cette phrase désormais
célèbre qui avait le don de faire taire ses plus féroces
contradicteurs : « on ne se baigne jamais dans le même chat. »
Ensuite,
en parfait vulgarisateur de sa propre pensée, Farthes publiera une
collection thématique adaptée à tous les lecteurs et dont les
titres les plus vendus sont : Un chien est presque un chien,
Une vache est presque une vache, Un jokari est presque un
jokari.
L'écriture
de ce dernier titre provoquera un choc psychique important sur Roland
Farthes. La remise en cause du jokari en tant qu'il est un jokari par
lui-même l'affectera profondément. Il prendra du recul par rapport
au jokari et se consacrera quasi entièrement à l'une de ses
nombreuses passion : l'écriture de romans Arlequin.
Alors
que reste-t-il aujourd'hui de l'influence de cette tautologie
approximative ? En surface, peu de choses. Et pourtant, il me revient
en mémoire une des dernières phrases de Roland écrites dans son
journal intime avant sa mort : « Farthes est presque
Farthes ».
Cette
phrase pleine d'humour et de lucidité nous montre à quel point
Farthes lui-même avait conscience d'être un sujet Farthien. Et très
rares sont les gens dans l'histoire qui comme Farthes ont eu une
influence aussi décisive et radicale sur leur propre vie. ( je vous
laisse méditer là-dessus)
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