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La tia gata

Ou Everything you always wanted to know about Descartes but were afraid to ask

 

Conférence du 15 mai 2010 donnée par monsieur E. Lerouxel, docteur ès maintien et bonnes manières, enseignant à l'Université du bon goût de Saragosse.
 
Enfantée du vieil ibère tia1, la tante, la tata, et du castillan gata2, la chatte, la « tia gata », néologisme farthien, cache pour mieux dévoiler, voile pour mieux révéler la crudité gallicane du « ta chatte » immémoriel, du « ta chatte » freudien, du « ta chatte » éternel.

Nourrie au sein de Nabokov3, la lolitia (que nous pourrions traduire par « lolitachatte ») incarne bien tout le paradoxe sociétal empreint d’un Warholisme4 mâtiné de Mac Luhan.

Car enfin, cette tia gata (ou tiagata) marque rien moins que l’entreprise de désenchantement-réenchantement5 du corps la plus aboutie depuis les années 20, décennie du charleston, décennie du bibi, décennie de la fanfreluche.

Mais arrêtons-nous un moment pour tenter d’ébaucher, d’esquisser cette silhouette gracile. Evacuons d’ores et déjà les termes réducteurs de pouf ou de bimbo, la tia gata mérite mieux que ce discours truistique hérité d’Aristote6. « La tia gata est la femme en tant qu’elle se présente comme un objet baisable. »

La définition donnée par Frédéric Perrier7 mérite qu’on s’y arrête même si, comme tout essai de nomenclature, elle concède plusieurs défauts à une analyse approfondie. Ainsi, on préfèrera ici reprendre cette formule en lui ajoutant le terme « uniquement », i.e « la tia gata est la femme en tant qu’elle se présente uniquement comme un objet baisable. »

Car c’est bien là l’obstacle épistémologique majeur qui renvoie les gesticulations conceptualisantes d’un Bourdieu (La domination masculine8) dans le giron normalien qu’elles n’auraient jamais dû quitter.

En dévêtissant son corps, en l’offrant en pâture au quidam, en se simplifiant à l’expression minimaliste d’objet sexué, la tia gata, les tia(s) gata(s), endossent pour le moins tout l’héritage aliénant de leurs sœurs jadis exploitées : des jouvencelles aux geishas, des Pompadour aux Marie-Antoinette, ces lumpen-tia, exploitées sans conscience de leur exploitation.

Plus question de multiplicité, la tia gata prend corps dans l’unicité de sa quête. S’affirmer en tant qu’objet et fin, unique : la baise. Et ce simple mot vient prendre le contre-pied de siècles entiers marqués du sceau du judéo-christianisme – « crescite et multiplicamini9 » –, vient caramboler les visées égalitaristes contemporaines de celles qu’on qualifie redondamment de « féministes » pour affirmer la suprématie de la femme dans un « où je veux et quand je veux » qui fait vaciller le frêle édifice conceptualisant d’une faible moitié de l’Humanité.

« Où sont les femmes ? 10», chantait naguère Patrick Juvet. « Elles sont là, sous ton nez », semblent répondre ces millions de tias gatas dressées sur leurs talons compensés. Vouant la pruderie aux gémonies, remisant la vertu dans tous les évangiles et autres sourates écrites par et pour des pères la pudeur, elles conspuent la pestilence des « elle l’avait bien cherché » entendus dans mille prétoires.

En s’affirmant par le corps, elles évacuent la virtualité du cogito cartésien pour un « je copule donc je suis » qui renvoie tous les philosophes à la petite semaine à leurs Humanités. Et par là-même, elle refondent toute la société contemporaine.
En se réduisant à l’objet mythique (filles et sœurs de Marilyn), elles font voler en éclat la puérilité masculine du poster de camionneur, la vanité masculine des petites femmes de Pigalle. Et de ce mouvement bien plus complexe qu’il n’y paraît, elles refondent toute la société, tout notre système de pensée, comme l’eût voulu Descartes sans jamais oser y arriver.

Car en s’arc-boutant sur son corps, en tant qu’objet sexué, la tia gata refonde d’un seul coup toute son indépendance. Elle s’affranchit d’une soumission imposée par l’homme.

Shakespeare11 n’avait rien compris. La vraie Question, c’est « to fuck or not to fuck ». Et ce n’est pas là le moindre paradoxe de la tia gata : en s’affirmant comme objet de baise unique, elle met un terme à une aliénation historique. De ce faux-semblant, elle acquiert une totale liberté.

En bref, chez la tia gata, tout est faux, tout est vrai. Farthien en somme.


1« Su tia del Toboso que se llamaba Dulcinea », Don Quixote de la Mancha, Cervantès, traduction J.-R. Fanlo. 2008.

2f. zool. “Hembra del gato”.

3Lolita, Vladimit Nabokov. 1955.

4Passionné  par les médias, Andy Warhol avait déclaré en 1968  « Dans le futur, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale ».

5Le désenchantement du monde (Entzauberung der Welt, en Allemand), notion développée par Max Weber et Marcel Gauchet.

6Aristote qui n’a pas lu la Bible qualifie la femme de « mâle mutilé ».

7Bibliothécaire bordelais, F. Perrier appartint au premier cercle des « re-découvreurs » de l’œuvre de Farthes au début des années 2000. Adepte de l’agit-prop, il édita des tee-shirts pour promouvoir l’œuvre farthienne.

8La Domination masculine. Pierre Bourdieu. Editions du Seuil. 1998.

9Croissez et multipliez. Dieu a dit à Adam et à Eve : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là ; ayez autorité sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, sur tout ce qui est vivant et qui remue sur la terre (Genèse 1,28) ».

10Où sont les femmes ?. Extrait de Paris by night de Patrick Juvet et Jean-Michel Jarre. 1975.

11Hamlet. William Shakespeare. 1603. « To be, or not to be : that is the question : Whether 'tis nobler in the mind to suffer ; The slings and arrows of outrageous fortune, Or to take arms against a sea of troubles, And by opposing end them? To die: to sleep ; No more… »



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