Roland Farthes, inventeur du ping-pong by roland.farthes
Roland Farthes, enfant du dialogue ; Roland Farthes, enfant du jokari. S'il est bien une chose qui a nourri Roland Farthes tout au long de son enfance, c'est le goût du dialogue. Dialogue bien souvent déçu puisque Farthes s'impose très tôt comme un solitaire en quête d'absolu. Absolu qu'il traque en toutes occasions : son goût pour le jokari n'en est-il pas la meilleure preuve ?
Car enfin, le tutoiement perpétuel entre la balle de caoutchouc et la raquette de bois offre bien une lecture de l'Humanité en marche, un poc-poc aussi insidieux qu'incessant. Un dialogue entre nature et culture. Nourri au jeux de raquettes qui allient la conservation du moi à la conversation d'émoi, Roland Farthes connaît pourtant une forte désillusion lorsque son jeune frère Marcel arrive en âge de découvrir les subtilités du jokari.
Las, Marcel Farthes n'entend rien aux subtilités de ce jeu ni une quelconque subtilité à quoi que ce soit d'ailleurs. Car Marcel est atteint de déficience mentale, un symptôme dont Roland eut la prémonition dès lors que Marcel ne lui eut rien répondu quant à une partie de jokari.
Un temps abattu par la désillusion, Roland Farthes connaît là sa première traversée du désert. Une longue période durant laquelle il est en proie au doute et à désespérance. Marcel, Marcel, Marcel, s'écrie-t'-il ainsi lors de longs échanges jokaristiques sur la grève d'Urville-Nacqueville. Epoque qui restera connue sous le nom d'époque « poc-poc » comme l'a si bien résumé son biographe F. Perrier.
Mais Roland Farthes n'est pas homme – même enfant – à se laisser abattre et bientôt il fait montre d'une grande adversité et d'une force intellectuelle qui forcent le respect. Aussi ira-t'-il jusqu'à démonter intellectuellement son jokari, le réduisant à sa plus simple expression « une balle, une raquette » pour susciter l'adhésion de son jeune frère. Une fois encore, Roland fait fausse route mais n'est-ce point des erreurs et des échecs que l'on apprend. C'est donc en bachelardien convaincu qu'il se remet à l'ouvrage. Pour Marcel, jokari ne veut rien dire. Appelons-donc « le balle-raquette ». Chou blanc. « Balle-quête », queud'chi.
Excédé, Roland est à deux doigts de claquer son frère mais en bon pédagogue, il s'exclame : « mais t'es tuuuuuttttt ou quoi !? C'est jamais qu'une histoire de poc-poc ! »
Une histoire de « poc-poc » ! Archimède, le philosophe et mathématicien grec, ne connût sans nul doute une joie aussi intense lorsqu'il s'exclama son fameux Eurêka. Car à ces mots de poc-poc, Marcel s'écria « Ah poc-poc » et d'aller chercher le jokari et de se mettre à jouer d'arrache-pied avec Roland qui abandonna bien vite la partie, éprouvant fugacement le désagréable sentiment qu'est celui de se prendre une pile par un déficient, selon certaines mauvaises langues.
Retenons simplement que ce jour vit naître en Farthes l'idée précoce que lorsque signifiant et signifié entretiennent un rapport sonore, la compréhension s'en trouve facilitée. Idée complétée par l'intuition de l'active language, également nommé speaking by doing. Théorie selon laquelle c'est la pratique d'une activité par le linguiste qui lui donne la clé de sa nomination.
Concrètement, Farthes se lance alors dans une reconstruction et de son langage et de son appréhension du monde. Passionné par les jeux de raquette, il crée le « pouttt - pouttt ». 6-0, 6-0 pour Marcel. Travailleur infatigable, il s'ouvre alors aux jeux collectifs : le « doum-doum switch », c'est lui, le « poum, poum, ppppoooouuuuummmmm », c'est encore lui. A chaque fois Marcel montre des prédispositions étonnantes que la protection de la vie privée nous empêche de citer...
Retenons que Farthes connaît alors une période de production intellectuelle foisonnante alimentée par le désir d'apprendre et de jouer de Marcel. Un véritable mano a mano se joue alors entre les deux hommes, entre les deux frères, incarnant fidèlement l'opposition structurelle du manuel et de l'intellectuel. Au sujet de cette époque épique, F. Perrier note avec un sens de l'à-propos qui n'est plus à souligner que c'est « l'époque ping-pong », en référence à ce génial néologisme créé par Farthes à l'issue de cette contribution majeure et à la linguistique et au sport français.
Mais cet acmé linguistique ne pouvait durer. Epuisé moralement, épuisé physiquement, Farthes abandonne la linguistique sportive et fait interner Marcel dont l'état le préoccupe. Attaqué sur la fin de sa vie sur cet internement qui n'aurait eu pour seule motivation qu'un simple orgueil, Farthes n'opposera qu'un silence gêné ( époque dite du « silence gêné » par son génial biographe ). Loin des polémiques stériles, rendons donc hommage à Roland Farthes, l'inventeur du ping-pong.
E.L.
E.L.
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