J'ai eu tellement de mal à pondre quelque chose cette année que je pense que l'année prochaine, ma conférence sera terminée après le colloque. Au point que j'envisage même de me lancer dans la reproduction histoire d'avoir au moins une excuse crédible du genre : ouais, ouais, j'suis vraiment désolé mais Raoul a une diahrrée cosmique, c'est pas possible, je suis désolé, j'aurai adoré être là, mais vraiment là, c'est pas possible ! Bisou, bisou.
Et
voilà, toujours une année de gagnée.
Dont
acte. Il est donc grand temps de former des petits jeunes, et de
susciter des vocations.
Et
que puis-je faire de mieux pour cela que de donner le mode d'emploi
d'une bonne conférence ?
J'ai
donc relu, analysé toutes les conférences, un projet très big
data, j'ai relevé des patterns, distingué des obsessions, établi
des correspondances, et je vous livre maintenant le fruit de ce
travail harassant.
Tout
d'abord, toi, petit jeune qui souhaite te lancer dans l'aventure, tu
dois savoir que le colloque RF repose sur une structure bien huilée,
bien rodée et que chaque année, nous obtenons à peu près
l'équivalent d'un fût de bière en subventions diverses de la DRAC
et du ministère de la culture.
En
échange de quoi , au moins une de nos conférences doit mettre
en lumière une pratique culturelle peu connue du grand public.
Ainsi,
l'année passée, la conférence de Maxime sur le twerk fut, sans
aucun doute, l'un des temps forts du colloque. Elle nous a permis à
tous et toutes de nous familiariser avec cette technique étonnante
et non-dépourvue d'intérêt lorsqu' arrive le moment tant attendu et
si redouté de la st valentin, avec les inévitables questions :
cette année encore, serai-je à la hauteur, saurai-je à nouveau
le/la séduire ? Ces doutes et ces questions peuvent être
dévastatrices pour l'égo et provoquer des crises terribles au sein
des couples.
Mais
comme nous l'expliquait si bien Maxime, le twerk nous permet de
gagner en confiance en soi, et en lascivité et en choisissant une
musique appropriée, il permet même aux novices de créer une
ambiance émoustillante et coquine propice aux câlins indispensables
pour une st valentin réussie.
Ouf !
Merci Maxime ! Et merci Roland !
Une
bonne conférence doit aussi vous laisser une petite trace dans la
tête, un peu comme une pop song dont vous gardez la mélodie aux
lèvres toute la journée, vous vous surprenez même à la fredonner
en appuyant sur le bouton de la photocopieuse ou sur celui de
l'ascenseur.
Il
y a deux ans, Etienne nous avait proposé une conférence sur le PS,
le post-scriptum, malheureusement aujourd'hui tombé en disgrâce.
Cette
technique littéraire permet d'ajouter, dans un message, une fois
terminé et signé, un élément important qui aura été oublié.
Exemple :
Thérèse, vous passerez à la boucherie Crachou prendre le rôti.
Chez Dédette, prenez trois melons pour dimanche et des pommes de
terre pour les frites, les enfants adorent ça. Prenez aussi
quelques fraises, les premières gariguettes doivent être là.
Signé : Mme Pompidou.
PS : surtout n'oubliez pas le pain.
PPS : ni le gâteau pour l'anniversaire de monsieur !
Roland
Farthes, lui, était si friand de cette coquetterie épistolaire
qu'il en vînt à concevoir des lettres entièrement composée de PS.
Afin
de laisser la fameuse petite trace en tête, Etienne composa ce
petit slogan dont il est positivement impossible de se défaire une
fois entendu. Post-scriptum, animal tristum !
C'est
bien simple, depuis impossible d'approcher une petite photocopieuse
sans me demander si elle aussi, elle est triste quand elle a fini.
Merci
Etienne et merci Roland !
Un
autre élément indispensable à une bonne conférence : la
technologie.
Qu'il
s'agisse de technologies de pointe ou bien de techniques plus
anciennes mais tout aussi indispensables, Fred est à l'affût et son
travail nous parle fréquemment, pour le meilleur et pour le pire, du
monde de la machine.
Scrutant
les angoisses du monde moderne, rien ne lui échappe : le
logiciel, la machine-matrix, l'intelligence artificielle, il aborde
tous les sujets avec la même intensité brûlante et un
professionnalisme sans égal.
Navigant
constamment entre l'infiniment petit et l'infiniment grand, passant
sans peine de la nanoparticule à la grosse commission, Fred se
passionne et nous avec, aussi bien pour les différentes techniques
de pose de la moquette murale que pour la gestion d'un camion-outils
en zone rurale.
Je
garde pour ma part un souvenir particulièrement ému de cette
conférence retransmise depuis l'intérieur d'un tambour de machine à
laver en mode essorage et de notre joie lorsque nous sommes parvenus
à déchiffrer les signaux qu'il nous envoyait en morse grâce à une
lampe torche.
Merci
à toi Fred pour ce frisson ! Et merci Roland !
Les
sciences de l'homme et du vivant au sens large sont aussi à
l'honneur dans les conférences farthiennes. En cela, les modestes
écrivains que nous sommes ne font que rendre hommage et prolonger
l'amour du voyage et de la rencontre de l'autre si cher à RF, RF qui
est parfois hâtivement dépeint comme un personnage casanier et
routinier, alors qu'il n'a cessé sa vie durant de voyager, de
Bénarès à Constantinople, de Tachkent au Caire, observant avec la
même acuité et la même empathie, les sociétés humaines et les
sociétés animales.
Car
nous savons maintenant depuis les premiers travaux de Roland que
l'homme n'est qu'un animal parmi les autres, même s'il est près à
tout pour se convaincre du contraire.
Digne
héritière de Farthes, Marion nous a proposé en 2013 une conférence
éblouissante aux confins de l'anthropologie et de l'éthologie. Son
sujet : une comparaison systématique et croisée des systèmes
de parenté chez l'escabeau et l'échelle, étude très précise et
détaillée qui incluait aussi les marchepieds et les échelles
téléscopiques.
On
ne peut que louer ce travail d'orfèvre et cette ambition
pédagogique.
Merci
Marion ! Et merci Roland !
Enfin,
il faut mentionner un ingrédient sans lequel aucune conférence ne
serait aboutie. Je veux parler de la soul. Et quand je parle de soul,
je ne parle pas simplement d'un style musical, je parle de groove, je
parle de beat, je parle de sensualité, je parle de sueur.
Notre
maître à tous dans ce domaine est sans conteste Nicolas. En
musicologue averti mais aussi professeur de capoeira à temps
partiel, Nicolas, dit Nico, que nous appelons aussi Jim entre nous,
et que nous surnommons parfois Jay, sait offrir à son public de
véritables moments de transe . Totalement habité par son
sujet, Nico amène progressivement son auditoire à un complet
lâcher-prise où le maître mot est « love ».
Hé
Nico, ça se danse comme ça le merengue ? Parfait, très bien,
soit un peu plus love au niveau des hanches.
Hé
Nico, pour le maloya, c'est bon ? Ouais, super, reste bien love
dans tes mouvements !
Hé
Nico, mes pas sur la bossa, ça le fait ? Excellent Chico, t'as
capté tout le côté love de cette musique !
Mais
plus que la bossanova, plus le merengue, plus encore que le disco, le
véritable pêché mignon de Nico, c'est le zouk. Et comment vous
raconter ça si vous n'étiez pas là, disons que la conférence de
Nico sur le zouk, c'était vraiment, vraiment très love !
Alors
merci Nico ! Et merci Roland !
Alors
pour terminer, une bonne conférence, ça doit aussi, un peu, parler
de cul et généralement, c'est moi qui m'en charge. Mais là, cette
année, non vraiment, je ne suis pas inspiré.
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