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Le placement de produit



A l’heure d’entamer cette nouvelle conférence, je tiens à signaler qu’elle comportera du placement de produit. Je pense que chacun comprendra, autour de cette table, ce que cette compromission doit à l’indigence et à la précarité.
C’est que la vie d’intellectuel n’est pas un long fleuve tranquille. Car si les ferrero rochers sont toujours les bienvenus dans les soirées de l’ambassadeur, ils ne sauraient jamais remplacer la tendreté d’une bonne bavette ou d’un aloyau. Charal. Rien de tel qu’un bifteck et des frites.
Le placement de produit ne s’improvise pas. Oh que non ! C’est tout un art au contraire. Art balbutiant né de l’avènement de nos sociétés modernes, des progrès de la médecine et de l’allongement de l’espérance de vie.
Hé oui ! Si naguère on pouvait escompter dilapider l’héritage d’une vieille tante tubarde en tripots et bordels, c’en est fini de cette époque de cocagne où l’on pouvait dédaigner qui un poste de clerc de notaire à Romorantin, qui un poste de chargé de comptoir à Pondichéry, qui une carrière de médecin dans la Coloniale. Si jadis on pouvait à peu de frais dire merde à la société, c’est elle aujourd’hui qui prend les devants. Et les vieilles tantes ont la peau dure et le cuir tanné par des hivers entiers passés au Marmara Club d’Agadir, une oasis de douceur où l’été dure toute l’année.
Hormis le vieille’tant-icide, extrémité risquée que je ne vous recommande pas, la subsistance pécuniaire de l’intellectuel moderne n’est pas de tout repos. Qui plus est sans matelas Epéda, la perle du sommeil.
Comment prendre la relève des Bukowski, Hemingway et Fante ? Comment incarner le soufre, la bohème et les matins blêmes quand on épargne son RSA ?
Le placement de produit ne s’improvise pas. Il faut faire des choix. J’en ai fait l’amère expérience par le passé avec ma conférence sur le Carambar. Tout avait pourtant bien commencé puisque sitôt ma conférence achevée, je gagnais mon poids en carambar.
J’en avais toujours rêvé. Je me souvenais de ce rêve inaccessible de l’enfance où la marque aux 3 A promettait son poids en carambar à l’heureux vainqueur du concours de blague éponyme.
Et 75 kg de Carambar, ce n’est pas rien, croyez-moi. 75 kg de plaisir et de douceur, de suavité en bouche. 75 kg et à peu près autant de blagues Carambar, ça compte dans une vie, croyez-moi. C’est comme une assurance-vie. De la Matmut. Un digne pécule : rien moins que ¾ de quintal d’éternité.
Mais la Dolce vita ne dura qu’un temps. On me retira sans crier gare mon poste d’ambassadeur de charme Carambar, la maison-mère ayant pointé du doigt un prétendu embonpoint naissant. Mais à qui la faute ?
Bref. Le nirvana n’avait pas duré. S’en suivit une période guère flatteuse pour mon ego faites d’humiliants refus. En témoigne mon essai Le surhomme au regard de la modernité sous-titré « Quand y en a marre, y a Malabar » que j’adressais au service distribution de la maison Kréma et qui ne me valut guère plus que 3 paquets de chewing-gum.

Je réalisai au terme d’un long cheminement combien mon parcours avait été bercé d’illusions chimériques. Oui, RF avait ouvert la voie en consacrant la DS mais l’époque était tout autre. Remember les années 80, époque bénie où l’on achète une BX rouge, où toute la famille embarque pour tester la mythique suspension hydraulique et où tonton emmène papa et les gosses faire du 130 km/h sur la RN13 sans ceinture à l’arrière. RF est le fruit de cette époque où les albums photos enregistrent les acquisitions automobiles, où les achats 1ère main distinguent le cadre de la piétaille, époque bénie où des hommes se donnent RDV subrepticement sur des parkings de supermarché avec la Centrale des Particuliers sous le bras en signe de reconnaissance pour revendre qui une Golf qui une R18.
RF est bien l’archétype de cette époque et qui lui jetterait la pierre ? mais qui sommes-nous nous pour céder aux mêmes sirènes, nous qui connaissons désormais les pièges de la société de consommation.
Il est temps plus que temps de faire le ménage devant notre porte et la tâche est immense tant les ménages semblent être devenus monnaie courante au sein de notre antique assemblée.
Si d’aucuns font encore montre d’une candeur rudimentaire lorsqu’ils vantent les mérites de Flunch (« Chez les Farthes, on va chez Flunch les jours de fête »), que dire de la perfidie de certains qui sous couvert d’une critique en creux de la flagornerie en milieu socio-professionnel nous servent les relents périmés de la fragrance Hugo Boss. Et que je te serve du boss par là, et du boss par ci. Honte à vous ! Et au passage, quelle piètre idée des relations dans nos PME qui sont le sang, qui sont l’oxygène de notre pays. Un sang qu’on salit par pur jeu d’esprit en ces rangs. Qu’elle est vile la France qui se lève tard !
J’aimerais donc ici énoncer ou rappeler quelques vérités concernant certains curieux marivaudages où s’entremêlent philosophie et infommercial.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire mais visiblement ça n’a pas été assez entendu : le mythe de la caverne n’est ni une métaphore du auvent trigano, ni l’antique ancêtre de la véranda.
Je sais que cette vérité est dure à entendre pour certains dont les abonnements à Esprit et au Monde diplo sont soumis à ces petits arrangements avec de gros annonceurs mais l’éthique n’a pas de prix.
Et si Farthes lui-même fait référence dans ses Fragments d’un discours amoureux au Jardin d’hiver de la Gradiva, il n’est bien sûr pas question pour lui de dresser une typologie des différents types de jardins d’hiver.

Alors bien sûr mon intention n’est pas ici de pointer tel ou tel qui aurait pu fauter. L’erreur est humaine, je dirais même, l’erreur est source d’apprentissage. Il ne s’agit donc point de procès en hétérodoxie et l’anonymat doit être respecté. Nous ne sommes pas à chercher qui a merdé, je pense que nous valons tous collectivement mieux que cela. Non, Marion, pas de bouc-émissaire. Aussi m’abstiendrais-je de commentaire concernant certaine conférence traitant de la cosmogénèse de la véranda et de son développement à travers les âges. D’aucuns commenteraient certainement le fait que cette conférence ait coïncidé avec l’installation d’une véranda Akena dans le logis de son auteur. D’aucuns s’interrogeraient sans nul doute sur les liens de son auteur avec la firme St-Gobain spécialiste du verre et de l’habitat lors que ce même auteur consacre une seconde conférence à l’industrie verrière pour faire l’éloge des stratégies commerciales d’Alain Afflelou.
Je serai l’indulgence faite homme mais tout de même. Tout de même. Le temps n’est-il pas venu d’interroger collectivement nos pratiques : Carambar, Flunch, Hugo Boss, Akena, Afflelou ? Et demain, Décathlon ? Aaarghhh !
Dès maintenant, je crois utile de nous doter d’une Farthes éthique ou éthique de la Farthes. Quel produit devons-nous défendre ? Quel produit devons-nous incarner ?
Ce questionnement eût pu durer ad vitam aeternam lors que songeant au lieu qui s’enorgueillit d’accueillir année après année nos débats – le Ballon rouge – j’eus l’intuition du produit que nous nous devions de défendre.
Eurêka ! A l’instar d’Archimède, je me rendis compte que s’il était bien un produit que nous devions défendre, c’est le vin. Vin que Farthes lui-même nommait « boisson-totem » de notre Nation.
Songez qu’avant-guerre, le Français moyen consomme ½ litre par jour. Songez que dans les années 1960, maçons et pêcheurs en consomment plusieurs litres quotidiennement. Songez encore que selon l’Institut britannique d’études sur l’alcool, des années 1950 au milieu des années 1960, les hommes français avaient soixante-dix fois plus de risques de mourir à cause de l’alcool que leurs homologues britanniques. Songez enfin que selon l’Institut des vins de Californie, la France ne se classe plus qu’au quatrième rang pour sa consommation d’alcool (le Vatican arrivant en tête). La conséquence risible mais difficile au quotidien des fameuses noces de Cana. Pas toujours facile quand on se brosse les dents ou quand on prend une douche. Et qui explique mieux la pourpre des cardinaux.
La consommation moyenne nationale ne représente plus que le quart de celle de 1939. Et, selon les résultats de l’enquête Baromètre santé de 2010, seuls 12 % des adultes continuent à boire de l’alcool quotidiennement.
Oui mes ami(e)s tel doit être notre combat, remettre le vin au milieu du repas mais aussi au début et à la fin. Et de grâce merci Mme l’égérie Saint-Gobain de ne pas nous gratifier de votre traditionnelle rengaine d’ « un verre, ça va, deux verres bonjour les dégâts » sauf avec Duralex dont la robustesse et la qualité garantissent le plus sérieux des achats… Assez ! Remettre le vin au centre, tel doit être notre combat.
Renverser la tendance et soutenir un petit commerce qui en a bien besoin. Petit commerce dont le patron me demande au passage de relayer « qu’il sort exsangue de 5 années de socialo-communisme asphyxié par les taxes et normes en tous genres. On ne peut pas y arriver ! ». C’est fait patron.
Alors comme je vous le disais en préambule cette conférence comprendra du placement de produit. Pour ma part, ce sera François Chidaine qui par ses blancs et ses rouges luttent ardemment pour faire rayonner notre Nation au firmament éthylique de l’Humanité. Patron, c’est ma tournée !

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